Gitoyen ? Une idée ridicule d’aujourd’hui

À part le jeu de mots douteux sur la structure juridique (Gitoyen est un Groupement d’Intérêt Économique, c’est à dire un regroupement de personnes morales dans un but bassement matériel) et sur le mot le plus utilisé dans le vocabulaire politique (« Faisons un débat citoyen au Café du Commerce »), qu’y a t-il derrière ce truc ?

Gitoyen n’existant que par ses membres, commençons par eux : Gitoyen regroupe cinq entités, trois associations et deux entreprises vachement citoyennes. Placenet, FDN, GlobeNet, Netaktiv et Gandi ont formé ensemble le GIE le 9 février 2001. D’autres les rejoindront bientôt, espérons-le. Toutes ces entités sont bien connues de nos lecteurs... FDN a été le premier fournisseur d’accès Internet en France, GlobeNet un des premiers fournisseurs d’accès au réseau, Netaktiv est créé par les gens d’Internatif, un autre pilier de l’Internet non-marchand en France, et Gandi est l’entreprise de voleurs bien connue.

Tous ont le même but : un Internet qui ne soit pas uniquement un cybermarché. Un Internet non-marchand, on dit souvent. Mais attention : il ne s’agit pas de gérer une réserve d’Indiens, un petit ghetto où quelques libertaires soixante-huitards attardés connecteraient au réseau un PC 486 via une ligne à 2400 bits par seconde, afin de distribuer des pages Web en noir et blanc et un message chiffré avec PGP de temps en temps. Il s’agit d’un Internet vivant, riche, bien plus intéressant que www.nimportequoidumomentqueçafaitvendre.com.

Cela coûte cher, hélas. Rien que pour se connecter au réseau en permanence, en position d’héberger des serveurs (Web, courrier, Freenet, etc), il faut des lignes spécialisées, à débit élevé et à facture plus élevée encore. Merveille de la nouvelle économie, on fait payer les pauvres plus chers que les riches ! Plus un tuyau numérique est gros, moins il coûte cher. D’où l’idée de se regrouper. Gitoyen pourra donc acheter directement aux opérateurs de télécommunications (et pas à un fournisseur Internet qui prend sa part au passage), pourra avoir plusieurs connexions à Internet (donc ne pas dépendre d’un seul fournisseur) et pourra être un acteur des télécommunications, pas un simple client.

Cela ne se fera pas en un jour. Pour l’instant, on essaie déjà de mettre modestement un pied dans ces grandes salles où les opérateurs se connectent, de façon à être le plus proches possible des grandes dorsales de l’Internet. On y mettra nos machines et roulez, jeunesse. Les membres de Gitoyen pourront alors héberger leurs serveurs dans de meilleures conditions et pour moins cher.

Ensuite, ce sera chaque membre qui fera à son idée. Certains envisagent de développer les connexions ADSL à prix intéressant, d’autres veulent héberger des serveurs Web, d’autres vendront ou donneront tel ou tel autre service.

Ça ne marchera pas ? Ce n’est pas réaliste ? Vous n’y connaissez rien, mon jeune ami ? (Cela, c’est exact, j’ai juste commencé à lire les documents RIPE.) Tout cela est vrai. L’Internet ne pouvait pas marcher non plus. Impossible. C’est forcément un accident. Ni les logiciels libres. Une idée absurde. Gitoyen est l’idée ridicule d’aujourd’hui.

par Stéphane Bortzmeyer